A Paris, la boboïsation et l’art passent le périph’

     La pression immobilière y est pour beaucoup. Les prix qui s’envolent poussent les bobos et bomeurs à faire un tour de l’autre côté du périphérique voire à s’y installer. Il s’agit d’une révolution. Un changement de mentalité s’opère dans un Paris trop longtemps coincé intra muros.

     Si Paris est encore, à tord, considérée comme une ville-musée, c’est bien sa banlieue qui lui apportera des perspectives de croissance et lui permettra de rester une des villes les plus compétitives du monde

    A l’embourgeoisement des quartiers populaires de Paris succède donc un embourgeoisement de la première couronne. Les nouveaux commerces, qui se développent en proche banlieue, attirent les Parisiens. Ils ne se découragent plus grâce à des lignes de métro qui se poursuivent et des nouvelles bornes de Vélib’ de l’autre coté du périph’. 

 

Paris, de moins en moins l’hypercentre

    On observe un rééquilibrage naturel entre Paris et sa banlieue. Dès les années 1950, de grands pôles émergent en banlieue, avec notamment la création de la Défense. Depuis peu, le rééquilibrage se situe aussi dans le domaine commercial. La périphérie est, elle aussi, devenue un espace de loisirs où l’on consomme. En effet, la petite couronne redore son blason avec des restaurants, des commerces et des expositions qui n’ont rien à envier à leurs concurrentes intra muros : le restaurant Philippe Starck dans les puces de Saint-Ouen, le nouveau centre commercial chic So Ouest à Levallois-Perret, deux galeries d’art contemporain dans le 93, la chic Cour des senteurs à Versailles, la Cité du cinéma en Seine-Saint-Denis, qui lance un véritable Hollywood à la française, ou encore la fondation Louis Vuitton dans le bois de Boulogne,… 

     La barrière physique et surtout psychologique du périphérique est ainsi franchie. Certes Paris connaît un renouveau architectural mais c’est derrière le périphérique que tout bouge désormais, un peu à la manière de Brooklyn qui s’est imposé, en l’espace d’une décennie, comme le nouveau centre de New York.

 

Boboïsation des quartiers populaires et bourgesois

    Le nord est parisien a été colonisé par les bobos, poussant les classes populaires toujours plus loin. Désormais, la gentrification passe le périphérique et provoque la résurrection de certains quartiers, comme Saint-Ouen, où le restaurant de Philippe Starck a ouvert.

     Les classes aisés s’intéressent, depuis quelques années, aux anciennes communes de la banlieue rouge de la petite couronne parisienne : Montreuil, Romainville, Ivry,…  Elles s’installent dans des petits pavillons ou des anciennes usines et entrepôts réaménagés en lofts. S’en suivent une importante rénovation des anciennes friches industrielles et des quartiers de HLM  ainsi que l’ouverture de magasins bio, petites boutiques de créateurs, bar à concept, guiguettes,…

    Les déplacements se font dès lors dans l’autre sens, de paris vers l’extérieur. Mais ce ne sont pas que les anciens quartiers pauvres qui se revitalisent. Ce sont aussi les banlieues aisées, enterrées dans un conservatisme, qui sortent d’un long sommeil. L’esprit village qui règne par exemple à Boulogne ou Asnières plaît beaucoup aux bobos.

 

Banlieue parisienne, nouvel eldorado des galeries d’art

    Deux galeries XXL s’installent dans le 93. Elles donnent vie à des projets démesurés, dignes de la grande capitale d’art qu’est Paris. Ces deux nouveaux espaces en Seine-Saint-Denis ont été inaugurés en prélude à la 39e FIAC, en octobre. Parallèlement, Boulogne s’apprête à accueillir, en 2013, la fondation Louis Vuitton et, en 2015, un grand pôle d’art contemporain. Tous ces projets ont un point commun : ils sont en banlieue. Tout simplement parce Paris est trop petit et parce que l’avenir de la capitale et surtout de la création se joue de l’autre coté du périph’.

 
Le Bourget : Deux ans après une première antenne française à Paris, Larry Gagosian ouvre une galerie de 1 650 m2 avec une mezzanine de 340 m2. C’est Jean Nouvel qui a transformé ce bâtiment industriel des années 1950 qui pourra accueillir des oeuvres parfois gigantesques. Situé juste de l’autre côté de l’avenue qui conduit au terminal de l’aéroport du Bourget, où se posent les vols privés, le lieu devrait attirer les hommes d’affaires et autres collectionneurs fortunés.

 

Pantin : l’Autrichien Thaddaeus Ropac a opté pour une ancienne usine de chaudronnerie du XIXe siècle pour créer un espace de 4 700 m2, dont 2 000 m2 d’exposition ainsi qu’un espace polyvalent dédié aux performances et à la danseCette cité de l’art doit accueillir une dizaine d’expositions par an. Avec des salles de 7 à 12 mètres de hauteur et des murs jusqu’à de 36 mètres de long, les oeuvres exposées pourront être d’une taille colossale. Du coup, les artistes pourront s’exprimer hors des contraintes spatiales habituelles. La ville de Pantin constitue un choix judicieux : à proximité du métro et du RER, la ville accueille surtout le Centre national de la danse, le site de la Villette et la future philharmonie de Paris. La galerie prévoit donc de travailler avec ces institutions culturelles majeures et de créer des passerelles.

une cité de l’art à Pantin

Boulogne-Billancourt : en 2015, l’ancien site des usines Renault, à la pointe de l’île, connaîtra une nouvelle jeunesse. Jean Nouvel est chargé d’y bâtir le futur pôle d’art contemporain baptisé R4 : un lieu de production, d’exposition et de vente d’art. Avec une surface de près de 30 000 m2 de plancher, le pôle sera composé d’une halle d’exposition, entre 20 et 30 galeries d’art, de trois salles de ventes, d’un amphithéâtre et de réserves, dont certaines ouvertes au public. Yves Bouvier, en charge de la conception du projet et spécialisé dans la logistique et le transport d’oeuvres d’art, veut utiliser au mieux la situation exceptionnel du site. Le transport fluvial étant le moins cher du monde, le lieu pourra alors accueillir une pièce en fabrication, en préparation pour la Biennale de Venise, et l’acheminer sur une péniche jusqu’au Havre puis sur un porte-conteneurs jusqu’à la lagune.

Fondation Louis Vuitton, prévue pour fin 2013

Fondation Louis Vuitton, prévue pour fin 2013

     Finalement, Paris reste attractif pour les riches marchands étrangers. Comme capitale de l’art, la ville Lumière regagne du terrain.