Après le bobo et le hipster… voici le bomeur !

Le bobo, paradoxe contemporain

     On ne les présente plus. Ils sont incontournables à Paris. Socio-économiquement favorisés, les bobos refusent les valeurs traditionnelles des classes supérieures et leur préfèrent les valeurs de la « bohème » artiste et de la contre-culture des années 60 et 70. Ils refusent en quelque sorte leur héritage bourgeois. Du coup, le paysage urbain a rapidement changé avec cette boboïsation / gentrification. Les classes supérieures ont progressivement investi les centres villes, repoussant les classes populaires vers une banlieue toujours plus lointaine. 

     Le bobo, apparu dans les années 90, en dit long sur le changement de comportements et de valeurs des métropolitains. L’avoir (bourgeois) passe désormais après l’être (bohème)… Là où ça devient intéressant, c’est que, dans le mode de vie des bobos, pour être, il faut avoir beaucoup. Un paradoxe donc : réunir ce qui est contradictoire – un porte monnaie de bourgeois mais un mode de vie qui se veut bohème. Double paradoxe en fait : ils se veulent alternatifs mais le manifestent à travers la consommation, manière étranger de prendre sa distance avec la société de consommation. Ne pas faire comme les autres mais faire comme les siens. Un conformisme peut-être pire.  

    Les bobos consomment surtout des services publics et de la culture (et ils en fabriquent). Ils sont même les piliers de la consommation culturelle. 

Le bouquin des Bobos de merde

    A l’époque où sont nés les bobos, dans les années 90, la créativité est devenue un vrai business. Les vrais « bohèmes » se sont faits avoir au passage. Ils ne pouvaient plus s’opposer plus au mainstream, ils en faisaient partie. Le mainstream est venu les chercher et les a rendu « overcool ». D’autre part, les bobos sont la nouvelle gauche caviar pleine de contradictions et que la droite oppose volontiers, dans ses discours populistes, aux classes populaires. 

   Paris est la capitale mondiale des bobos. Ils pullulent autour du canal St Martin et se dirigent vers les quartiers encore un peu populaires de Paris : vers l’est dans le XIXe et le XXe et dans le nord du XVIIIe. Le véritable phénomène du blog Bobo de Merde et leur livre traduit bien à quel point la capitale française s’est boboïsée et assume (pas). 

 

Le hipster, petit du bobo et phénomène planètaire

     C’est l’histoire du bébé du bobo, dans sa version new yorkaise et plus jeune. C’est l’histoire d’un phénomène de contreculture qui s’est mangé la queue. Anticonsumériste, le hipster a fini par alimenter une industrie multimillionnaire, qui tente de vendre au plus grand nombre ce style néo-bohémnien. La culture hipster, omniprésente, domine aujourd’hui la mode, la musique et le mode de vie. Elle transcende l’oirigine ethnique, le statut socio-économique et l’orientation sexuellle.  

     Si le hipster peut roder dans le Xe arrondissement de Paris, dans le Lower East Side de New York, à Kreuzberg à Berlin ou encore à Wicker Park à Chicago, la plus grande concentration jamais enregistrée s’observe dans le quartier de Williamsburg, à Brooklyn

Illustration du blog Paris vs NY

     Les hipsters sont très souvent violemment critiqués. Du blog http://diehipster.wordpress.com, au bar à SF qui leur interdit l’accès, il représente un conformisme « cool » que beaucoup détestent. 

  

Le bômeur, nouvel archétype d’après-crise

    Qu’est-ce qui arrive quand les bobos, touchés par la crise et la récession, se retrouvent au chômage ? Ils se transforment en « bomeurs » : contraction des mots «bobo» et «chômeur», terme inventé par Nathanaël Rouas qui décrit leur (sa) vie sur un Tumblr (bomeur.tumblr.com). Depui avril 2012, ce papa des bomeurs s’est lancé dans une analyse «plus ou moins sociobranlodémographique»  de cette nouvelle catégorie.

     Cet ex-bobo, typiquement un trentenaire célibataire qui avait un job «branché», ne pleurt pas sa nouvelle situation. Il en fait un véritable mode de vie. D’abord parce qu’il a désormais le temps de glander, de faire de longues siestes et de boire des coups en plein après-midi. Il profite pleinement de la mégalo-métropole. Ensuite parce qu’il ne s’ennuie pas et reste actif. Il travaille sur des projets (dont il ne peut d’ailleurs pas parler). Toujours à deux doigts de se lancer en freelance. En fait, il glande… et il consomme. Comme il touche une allocation chômage tout à fait confortable, le bomeur garde le même train de vie.       

  

Une génération-consommation 

      Bobo, hipster ou bomeur… ils sont de toute façon tous des métrosexuels qui contrôlent leur image et dépensent pour avoir du style. Pourtant, le style est quelque chose de superficiel. Il manque à ces jeunes générations des idéaux et une raison de se battre ou de proposer une alternative à la société capitaliste. Les cultures des jeunes générations précédentes – hippies, punks,…- se caractérisaient par la valorisation d’un affect (l’amour pour les hippies par exemple) et la conception sociale qu’elle défendait. Mais les bobos et les hipsters font partie du système. Ils sont « gentiment » alternatifs. Leur éthique ne contient pas vraiment d’éléments forts de rébellion, de rejet ou de désaccord.

     Dans la société actuelle, le nouvel artiste est celui qui a un business plan béton. On est tous dans le showbiz, on a tous quelque chose à vendre. Même si on ne vend pas un produit concret, on se vend soi-même : son image, son mode de vie  et son influence via les réseaux sociaux. On fait de sa personne une marque. On se considère comme une petite entreprise, à gérer, à promouvoir et qui est  potentiellement rentable. Voilà la créativité 2.0. : il faut séduire et « marketer ».

    Le bobo et le hipster reflètent un problème très contemporain qui touchent finalement la plupart des métropolitains aisés des pays développés. On ne peut pas changer de mode de vie mais on essaie. On sait que la consommation ne nous rendra pas heureux et on connaît ses travers mais on n’y renoncera pas. On changera juste le papier cadeau pour rendre le tout plus acceptable : on consommera bio, alternatif et éthique mais on consommera.