D’où vient le succès de Singapour ?

    Singapour s’impose comme une des nations les plus riches de la planète, une bulle en Asie qui concentre les investissements, centralise les connections maritimes, aéroportuaires, bancaires et virtuelles. La ville attire même de plus en plus les touristes. 

  

Une nation indépendante mais sans ressources

      Si Singapour devient une cité-Etat indépendante, elle se retrouve à l’étroit dans moins de 700 km2, avec peu de ressources : pas d’arrière pays rural, aucune source d’eau ni de nourriture. Le pays devait dépendre de l’extérieur et notamment des nations voisines assez hostiles : la Malaisie et l’Indonésie. Par exemple, pendant longtemps, Singapour a importé une bonne partie de son eau de Malaisie. Malgré un faible potentiel, Singapour a su se développer et devenir un des pôles moteur de la mondialisation.

  

Une réussite économique “exemplaire”

      Singapour illustre la capacité d’une dense agglomération qui, grâce à un fort capital humain, prospère en innovant. En 1965, les revenus de Singapour représentaient environ 20% de ceux des Etats-Unis. Sa croissance annuelle a été, dans les décennies suivantes, parmi les plus élevées au monde. A tel point que Singapour est devenu un exemple en terme d’économie, d’éducation, de santé, de sécurité et d’urbanisme. Aujourd’hui, en effet, la santé et la stabilité économiques du pays font beaucoup d’envieux : chômage autour de 2%, secteur public efficace, taux d’imposition faible,… L’île est devenu un paradis pour investisseurs et consommateurs.

     L’économie de Singapour avait assez bien supporté la crise. Après une courte récession, elle a bondi de 14,7% en 2010. Deuxième place financière d’Asie après le Japon, c’est principalement le commerce qui a fait de Singapour un acteur indispensable. Son port, récemment devancé par celui de Shanghai en Asie, est un élément clé du développement de la mégalo-métropole. 

  

Avantages comparatifs de Singapour :

     ° Etat de droit en vigueur  : une grande partie de la région est prise en otage par des gouvernements irrationnels et dangereux. Les villes bien administrées comme Singapour favorisent alors les investissements. Les institutions politiques ont attiré les talents du monde entier par une politique raisonnable et des institutions fiables. Lieu sous contrôle et à l’écart, protégé de l’instabilité politique des grandes nations voisines, Singapour est, de surcroît, anglophone. Sa “rule of law”, héritée des Britanniques, lui donne une cohérence et une constance précieuses dans le milieu des affaires. 

      ° Excellentes infrastructures, en particulier le port. La Banque mondiale considère que Singapour possède la meilleure logistique du monde pour le commerce et le transport. Son bel aéroport et sa compagnie aérienne nationale réputée encouragent les talents étrangers à venir. D’autre part, dès son indépendance, Singapour a tout mis en oeuvre pour inviter les multinationales à venir investir massivement sur l’île.

       ° Capital humain local: Singapour a investi dans l’éducation. 

     ° Politique volontaire : deuxième pays le plus densément peuplé du monde et sur un territoire restreint, Singapour ne s’est pas laissé abattre. 

    A l’étroit, la ville  gagne un à deux kilomètres carrés sur la mer chaque année. Certes elle n’a pas de monument historique mondialement connu ni de paysages variés mais elle a su développé le tourisme d’affaires et des infrastructures de loisirs : parcs d’attraction pour les enfants, casinos, resorts, un circuit de Formule 1,…

     Les embouteillages sont évités grâce au péage urbain existant depuis 1975. D’autre part, un système de points et récompenses pour le métro poussent les habitants à se déplacer hors des heures de pointe. 

     L’île qui importait toute son eau de Malaisie s’impose aujourd’hui comme un leader mondial du recyclage des eaux usées, du dessalement de l’eau de mer et de la récupération des eaux de pluie. En effet, 3,65 milliards de dollars ont été injectés dans la construction d’un nouveau système qui a reçu en 2009 le prix du Projet lié à l’eau, pour sa « contribution à la technologie de l’eau et à la protection de l’environnement ». 

     ° Un Etat avec une faible dette : le pays n’a pas de dette publique extérieure depuis 1995 et un budget à l’équilibre, un avantage comparatif décisif face aux pays occidentaux surendettés.

 

Un modèle démocratique et social peu enviable

    Absence de liberté d’expression, non séparation des pouvoirs, censure de la presse, répression des grèves, peine de mort,… Malgré sa réussite économique, l’Occident n’a pas à rougir de la comparaison avec Singapour. Les singapouriens sont élevés dans un régime autoritaire et ne développent aucune capacité de critique. Si le pays fait mine d’être multiculturel, les communautés restent très cloisonnées. Les médias, sans exception, sont poursuivis en justice pour diffamation s’ils critiquent le gouvernement. Les journalistes s’autocensurent donc la plupart du temps. Les scènes moralement douteuses dans les films (comprenez, toute scène intéressante dans un film) se voient censurées. 

      Il faut ne pas croire à la magie du modèle économique de Singapour non plus. Sa richesse repose sur le travail – acharné ? – des habitants, dont un tiers est immigré. Les ouvriers et domestiques (les « maids« ) en majorité originaires d’Inde, du Bengladesh et des Philippines représentent une force de travail largement exploitée.

   De manière assez surprenante, Singapour combine une fructueuse économie de marché et une industrialisation étatique. Lee avait hérité de l’inclination de Raffles pour le paternalisme, subventionnant l’épargne, taxant lourdement l’alcool et infligeant des amendes pour de mauvaises conduites (comme cracher). Une île donc où on paye une amende si l’on crache par terre. Une île où il faut une autorisation pour prendre une photo dans une station de métro (c’est arrivé à Ken!). Une île où alternatif n’a pas de sens… Les bobos la fuient d’ailleurs et l’on comprend bien pourquoi !

   

Un succès pensé, planifié et familial

     L’île est gérée d’une main de fer depuis un demi-siècle par la même famille : Lee Kuan Yew, le père fondateur et son fils qui lui a succédé. Singapore Economic Development Board (EDB), la toute puissante agence du gouvernement, est en charge de la planification et du développement de l’île. 

     Les ministères sont gérés comme des entreprises privées. Les futurs fonctionnaires sont repérés très tôt. Recrutés parmi les meilleurs au lycée, ils bénéficient de bourses pour étudier à l’étranger puis servent l’Etat pendant au moins six ans. Ils sont ensuite formés tout au long de leur carrière. Leurs salaires sont indexés sur ceux du privé. Ils ont aussi les mêmes méthodes et moyens que les meilleurs cadres commerciaux. 

 
    L’Occident pensait que démocratie et prospérité économique allaient de paire. Singapour nous prouve le contraire. Il est assez triste que constater que le système mis en place perdure dans la mesure où elle convient à la majorité. Les citoyens y voient d’abord leur propre intérêt matérialiste. Le PIB par habitant à Singapour est plus élevé qu’en Europe de l’Ouest. La société singapourienne accro à la consommation s’en accomode donc.