Le slasher et la métropole

    Ils multiplient les activités, cumulent les métiers et adorent les collaborations. Ils réinventent les codes de l’emploi et prennent la précarité du travail comme une opportunité. Grâce à internet, ils travaillent avec le monde entier et refuse de se mettre des barrières. Eux, ce sont ces trentenaires hyperactifs pour qui le travail se conjugue au pluriel : les « slashers ».  Le mot slasher est un néologisme créé à partir du mot anglais « slash » qui désigne la barre oblique : « / ». On utilise ce caractère typographique dans des expressions alternatives comme « et/ou » ainsi qu’à la place du trait d’union dans des expressions composées.   

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Slasher par choix

    Les slashers papillonnent et travaillent à droite et à gauche. Ils alternent alors des périodes de CDD, de CDI, d’auto-entreprenariat, d’intérim et de chômage. Leur précarité, malgré leur niveau d’étude souvent élevé, n’est pas forcément vécue comme négative. Certes l’économie actuelle ne favorise pas les emplois de longue durée et un « métier à vie » mais ce n’est pas la seule raison qui les pousse à avoir plusieurs cordes à leur arc. Ils ont volontairement effacé la frontière entre travail et passion. Ils veulent concilier leur stabilité financière avec leur épanouissement personnel. Cet équilibre est impossible quand on n’a qu’un seul job, surtout pour les métiers créatifs.  

   

Le multitasking à l’ère des réseaux sociaux    

      Ils sont consultant marketing / photographe, musicien / illustrateur ou encore directeur artistique / écrivain / community manager. Pour ces enfants de la société du zapping, multitasking est une deuxième nature. Ils peuvent promouvoir leurs différentes activités via internet, puissant outil de communication et de networking, et notamment via les réseaux sociaux.

    Les nouvelles technologies ont fait naître un grand nombre de nouveaux secteurs d’activités et de nouveaux métiers. Le crowdfunding permet par exemple de produire de la musique ou d’éditer son roman en ligne à coté d’un métier plus traditionnel. D’autre part, la description des profils twitter a encouragé un grand nombre à pratiquer une schizophrénie savamment entretenue. Qui veut follow quelqu’un qui n’a pas un profil inédit et atypique et deux voire trois « activités » ?  S’il y a bien un risque de dispersion à cumuler plusieurs activités, les différentes compétences, que développent les slashers dans des domaines divers, se nourrissent en général les unes des autres. Leurs activités finissent par se rejoindre de façon imprévue.

 

Identité multiple et liberté

    Pourquoi se restreindre à un seul domaine créatif ? Les slashers slaloment entre la mode, le design, la com’, les médias et l’art. Aujourd’hui, réussir sa vie n’est plus synonyme de brillante carrière dans un domaine, mais plutôt de multiplication des opportunités. Dans une société trop matérialiste, raconter sa vie, enrichir son récit individuel de toutes les manières possibles est devenu une priorité pour survivre « spirituellement ».

   Cumuler plusieurs jobs permet d’avoir un regard extérieur sur ce que l’on fait. Et de relativiser… On se réserve aussi toujours la possibilité d’être un autre, de pouvoir changer de vie à tout moment. On n’est pas obligé de tout dire de soi. D’autre part, on s’affranchit de certaines contraintes, comme le poids de la hiérarchie, les horaires et revenus fixes. On est moins prisonnier d’un schéma de pensée et d’un milieu professionnel. Enfin, on a plusieurs appartenances et c’est finalement une manière de lutter contre l’uniformisation des modes de vie et la marketisation à outrance. 

   

Un métropolitain pas comme les autres

      Les slashers s’épanouissent dans les mégalo-métropoles, qui concentrent un grand nombre de secteurs d’activités et leur permettent d’élargir rapidement leur carnet d’adresses. Ils y trouvent aussi une liberté et une stimulation nécessaires pour créer. Il y aussi ce que l’on pourrait appeler des « slashers géographiques » : souvent en déplacement, ils travaillent entre plusieurs métropoles.

    Finalement, ce que le slasher nous apprend, c’est que la société d’hyperconsommation exige un plus grand renouvellement et une originialité accrue. La mixité et l’éphémère sont les deux nouvelles composantes du succès.