L’identité masculine menacée ?


On ne naît pas homme 
       “On ne naît pas femme, on le devient.” Cette phrase rendue célèbre fait probablement l’unanimité. On parle moins de l’homme. Pourtant, il faut bien pour une moitié de l’humanité apprendre à le devenir. 
        La seconde moitié du XXe siècle aura été celle de la femme… de sa liberté et de son émancipation. Si l’égalité n’est pas encore atteinte, même dans les pays les plus avancés,  les femmes ont ébranlé la toute-puissance masculine et leur domination millénaire. Elles sont devenues socialement et individuellement floues pour les hommes. Les caractéristiques traditionnels pour chaque sexe (douceur pour la femme, agressivité pour l’homme) ont, en partie, perdu leur crédibilité. D’autre part, la société valorise plus volontiers ce qui a trait au féminin : douceur, parole, consensus, compréhension. On est censé être sorti de l’état de guerre de tous contre tous. Comment l’homme peut-il dès lors rester masculin avec ces qualités « féminines » alors que le masculin s’est longtemps précisement défini par cette agressivité, cette brutalité, cette violence ? Si les hommes ne viennent pas de Mars et les femmes de Vénus, d’où viennent-ils ? Grande interrogation, profonde incertitude et véritable angoisse contemporaine !
         Plus embêtant encore pour Ken et la gente masculine, la science permet désormais à la femme de ne plus être pénétrée pour se reproduire. C’est pourtant là la seule différence biologique majeure entre les deux sexes (l’un pénétrant, l’autre pénétré lors de l’acte de la reproduction), qui en a fondé tant d’autres. La femme est définitivement libre, l’homme définitivement perdu ?

C‘est quoi un homme ?

     Qu’est-ce qui fait de Ken un homme ? Qu’est-ce qui fait d’un homme un homme ? Devenir un homme résulte d’une construction sociale, pas d’une détermination biologique. Pourquoi cela semble-t-il être plus difficile pour les Ken du XXIe siècle ? 

  

Un phallus ? (le pouvoir)

      Le phallus ne fait pas homme, de même que lorsqu’une femme donne vie à un enfant, cela ne la fait pas sentir automatiquement femme, mère. Il n’y a rien de naturel, qui coule de source. D’où le baby blues pour certaines mères.
     Pourtant, l‘homme demeure symbolisé par son phallus, c’est-à-dire le pouvoir, qui est en fait l’extension la plus évidente de la masculinité. La révolution féminine aura prouvé que le pouvoir n’est plus un apanage de l’homme. Mais si on lui prend son pouvoir, comme c’est le cas depuis quelques décennies, il n’est plus rien. Il est comme castré. La solution semble donc être de se construire homme autrement que par la domination, la force, le pouvoir.
     Le pénis incarne certes la toute puissance mais il met en même temps l’homme à nu : le désir de l’homme se voit, tandis que la femme peut dissimuler, simuler. D’autre part, la libération sexuelle des femmes a mis leur plaisir aussi au centre. Les femmes plus expertes et exigeantes arrivent parfois à angoisser les hommes qui ont peur de ne pas être à la hauteur. Pire, ils arrivent qu’ils soient à leur tour traiter comme un sex toy et qu’on les jette comme un kleenex. Perte de confiance en soi, problèmes d’érection,… le nombre de consultations chez les sexologues et de ventes de viagria a significativement augmenté (voire explosé) ces dernières années.

    

Un père ? (l’autorité)

      Loin de l’image du père qui assure et assume mais reste distant, le nouveau modèle du père-poule a rassuré la mère qui souhaitait ne pas finir « desperate housewife » mais fait pedre au coq sa superbe. Traditionnellement, être un homme, c’est assurer. Assurer pour soi-même et pour sa famille. Même sexuellement, c’est bien l’érection la « clé » de la relation. Sans celle-ci, pas de relation au sens traditionnel, c’est-à-dire pas de pénétration.

     Dans la mesure où, dans la répartition des rôles en société, les femmes se sont attribuées la place qui leur revenait de droit, les lignes ont bougé. Par conséquent, les hommes ont perdu leur repères… au travail et au lit. Ils doivent assurer l’érection sans oublier le plaisir de leur Barbie, les femmes étant devenues sexuellement libres et en quête d’un épanouissement total. On exige des hommes qu’ils soient virils et sensibles, même si les deux qualités ont toujours été traditionnellement opposées.    
   Enfin, si la relation mère-enfant continue à aller de soi, le rôle du père est devenu flou. Il apparaissait comme puissant dans la famille, en incarnant la loi. Dans la société, cette même figure, ce même fantasme de protection et de puissance étaient incarnés par le roi, le pape ou le chef d’état. Au XXe siècle, les sociétés occidentales sont passées d’une organisation hiérarchique verticale à une organisation horizontal : avec la fin de l’autorité venu d’en haut, tous les individus sont théoriquement au même niveau. D’une part, les pères sont moins respectés ; d’autre part, ils se maternisent. Pourtant, les rôles sont-ils interchangeables ? Aussi progressiste que l’on soit, il est difficile d’en être certain.           

L’homme en danger

      Le phénomène de perte de vitesse des hommes est visible jusque dans la fiction. Hier, La force d’action de James Bond se voyait intimement liée à sa force sexuelle et son pouvoir de séduction. Aujourd’hui, les héros des séries américaines et des blockbusters doutent, laissent apercevoir des failles, des expériences psychologiques traumatisantes ; leur coté humain et leurs faiblesses sont mis en avant. Les super pouvoirs des héros du temps de la guerre froide (Batman, Superman, Spiederman) n’existent plus. 
   Les rares séries qui mettent en scène la sexualité masculine comme Nip/TuckCalifornication voire MadMen ne la glorifie pas. Quand au phénomène Desperate Housewives, il a définitivement relégué les hommes au second plan.

La métrosexualité en danger : quand le rétrosexuel n’est plus si ringard


La métrosexualisation de la société dont Ken s’est fait l’ambassadeur est allé bon train au début des années 2000. Même le football, sport de la masculinité par excellence, s’est glamourisé. Sous la pression de la marche forcée vers la séduction, les joueurs de foot sont devenus des icônes de mode, des stars de cinéma… et se féminisent. D’ailleurs, David Beckham n’est pas si souvent cité comme l’exemple parfait du métrosexuel ?
   Après avoir muté en « übersexualisation », il semblerait depuis peu qu’un certain conservatisme refasse surface et cherche à réaffirmer les codes de la virilité et de la féminité. Le fameux UN HOMME, UN VRAI. Il y a un retour au désir pour l’homme poilu, qui sent mauvais, n’a ni délicatesse ni finesse. Le genre d’hommes qui ne connaît ni la mode, ni les cosmétiques, ni la psychologie… ni même tout ce qui peut s’approcher de près ou de loin à un attribut féminin. 
   Alors on peut se demander s’il s’agit là d’une simple tendance ou d’une forte volonté d’enfermer l’homme dans une identité figée. Face à une société de consommation qui n’a aucune pitié et souhaite faire des hommes de parfaits petits métrosexuels, beaucoup souhaitent  le retour des « vrais » hommes.  
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