Brooklyn, nouveau centre de NY ?


   Traverser l’East River, c’est passer d’un monde à l’autre. Hier comme aujourd’hui. Les raisons ont changé. Brooklyn, la petite soeur de Manhattan, n’est plus un berceau industriel mais the place to be. Trendy, arty, c’est le hotspot, l’endroit qui donne le ton. Brooklyn a commis l’impossible : voler la vedette à Manhattan, devenu zoo pour riches. Ce que l’on aurait pu prendre pour une banlieue est en fait le nouveau centre de la capitale du monde. 
    En 1883, on achève de construire le pont de Brooklyn mais ce n’est qu’à la fin du XXe siècle que la ville est rattachée à New York (1898). A l’époque, Brooklyn était le plus grand port du monde. Puis les lignes maritimes déménagèrent progressivement vers le New Jersey. Aujourd’hui, un service de « New York Water Taxi » relie le quartier à Brooklyn Heights, Wall Street et Midtown Brooklyn.
    L’arrivée progressive du métro occasionne un important développement. Aujourd’hui, avec plus de deux millions d’habitants, Brooklyn représenterait la quatrième ville des Etats-Unis si elle était indépendante

    L’univers de l’autre coté du pont se distingue de Manhattan par  sa diversité, son calme, son ouverture…  La ligne L a ainsi été surnommé la « ligne Benetton ». 
   En effet, pas moins de 125 langues sont parlés quotidiennement à Brooklyn. Ce fut traditionnellement le quartier ouvrier, populaire, anti-Wall Street, qui attirait des immigrés. Aujourd’hui encore, c’est une mosaïque ethnique. Autour de la station Brighton Beach (au bout de la ligne Q), c’est Little Odessa, le quartier russe, où tout est écrit en cyrillique. A Bensonhurst s’impose comme le Little Italy de Brooklyn. Le quartier d’Altantic Avenue accueille la plus importante communauté moyen orientale de NY, le quartier de Kingston Avenue (ligne 3) la communauté juive et Crown Heights les afro-américains.
      Ensuite, la hauteur des gratte-ciels qui ont fait la renommée de Manhattan détonent avec la verticalité de Brooklyn. Les brownstones, rangées de maisons basses, sont typiques de cette ambiance provincial, cet esprit de village que l’on retrouve dans certains parties de Brooklyn. 
 Enfin, depuis quelques années, la population a évolué, gentrification oblige : artistes, créatifs,  jeunes urbains (un tiers de sa population a moins de 18 ans), bobos et hipsters en tout genre ont façonné le nouveau visage de Brooklyn. On connaît la suite : hausse des loyers et installation de commerces « stylés » : friperies, marchés aux puces, épiceries, produits bio à gogo, restos à thèmes, bar à vins,…
      Nouveau centre effervescent mais plus relax que Manhattan. On y trouverait une meilleur qualité de vie et toute l’avant-garde qu’on ne trouve plus au coeur historique de New York…

    La métamorphose s’est amorcée dans les quartiers Nord de Williamsburg et de Greenpoint. Ces anciens quartiers industriels sont devenus un foyer créatif avant d’être « victime » du phénomène de gentrification. Les anciennes fabriques et dépôts ont été réhabilités en galeries, en studios et en ateliers d’artistes. La culture underground et alternative y trouvait son compte avec des loyers bien plus bas que dans l’East Village. Les hipsters et bobos n’ont pas tardé à s’y installer, faisant grimper les prix de l’immobilier et faisant donc perdre progressivement au quartier son avant-garde. Ont fleuri par contre les restos bio, les friperies, les boîtes branchés,… notamment sur Bedford Avenue, l’artère centrale de Williamsburg. Autour de ce périmètre ultra bobo, on retrouve encore un vrai melting pot : des juifs au sud, des italiens à l’est, des polonais au nord (vers Greenpoint) et une grande communauté latino.
    Espace de création, d’expression mais aussi de fête. Si la journée y est plus paisible qu’ailleurs et se prête à la flânerie, la nuit fait des quelques rues centrales le royaume des clubbers

      Autre poumon incontournable de Brooklyn, le quartier des anciens docks Dumbo (Down Under the Manhattan Bridge Overpass = le passage en dessous du pont de Manhattan) est devenu le repaire des yuppies et le chouchou des touristes avec sa vue fantastique sur la skyline (du Empire State Ferry Park). Ce sont, comme toujours, les artistes qui en ont fait un lieu « hype » et attiré les couches aisées. Par exemple, le festival Dumbo Art Under the Bridge rassemble 150 000 visiteurs par an, venus découvrir l’avant-garde de l’art contemporain. Peu à peu, les entrepôts des docks à l’abandon se sont reconvertis en lofts et bureaux. Aujourd’hui, les seuls artistes qui y vivent encore sont de riches propriétaires qui financent les galeries restantes… les autres ayant été repoussées plus loin, à Bushwick notamment. 



      Pour trouver un quartier avant-gardiste mais qui reste à l’écart, il faut s’aventurer là où le métro ne va pas : à Red Hook, à l’ouest de Brooklyn. Ce petit bout de terre, qui fut le port le plus actif du pays, est aujourd’hui en pleine mutation. Desservi par une seule ligne de bus et bordé d’eau des trois cotés, ça reste une enclave et on s’y sent loin de tout, protégé, oublié. L’artisanat et l’authenticité y ont encore leur place, à coté des galeries d’art et des restos. La gentrification commence mais lentement. Il faut dire que la vue imprenable sur Manhattan et le charme de ce « village » font baver les promoteurs immobiliers. Pour la petite histoire, ce sont sur les docks de Red Hook, à l’époque bastion de la mafia, qu’Al Capone reçut la balafre qui lui valut le surnom de « Scarface » (le balafré).


        Pour terminer, Ken vous révèle un petit secret : la gentrification pousse toujours plus loin le « vrai » quartier alternatif et branché. Inévitablement. Prochain sur la liste qui risque d’être the place to be : le Queens. Voisin méconnu de Brooklyn, le Queens sera-t-il dans quelques années le nouveau Brooklyn ? Affaire à suivre…
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