Concept stores : Mode d’emploi



       Après un mode d’emploi sur les fashion weeks, Ken continue de démystifier des notions dont les initiés abusent. Place au concept-store. 


Du department store au concept store 
   Aristide Boucicaut peut être considéré comme l’inventeur du concept store. Cet homme d’affaires amorça une véritable révolution avec l’ouverture du Bon Marché, une étonnante surface qui regroupait mode, accessoires, déco, alimentation. Le don de Boucicaut pour capter les tendances, décrypter les futures attentes des consommatrices et créer un univers qui leur parle et semble avoir été créé pour elles, lui assurera un succès immédiat. La mode des Grands Magasins, department stores, est alors lancée et les premiers jalons du shopping moderne posés
    En 1991 ouvre le premier concept store qui ne fait qu’adapter cette innovation en la mettant au goût du jour. La soeur de la rédactrice en chef de Vogue Italy crée le pionnier 10 Corso Como, à Milan, défini comme « a multifunctional space, a meeting place, a union of culture and commerce » (1). De tels lieux se veulent transversaux et se caractérisent par la mise en scène de produits de domaines variés que l’on pourrait regrouper sous le terme générique « lifestyle » : art, mode, design, culture (livres, expos, disques) voire gastronomie.
(1) un espace multifonctions, un lieu de rencontre, une union de la culture et du commerce

La recette du concept store

   Sans surpise, c’est Paris qui adapte rapidement le concept, en 1997, avec l’enseigne Colette, qui deviendra une référence internationale, un temple de la branchitude mondiale. Puis le concept s’est étendu depuis 20 ans, réinventant les univers de distribution pour séduire une clientèle qui privilégie de plus en plus l’appartenance à un groupe social à travers l’acte d’achat que son aspect purement matériel
  Contrairement aux magasins traditionnels, les concept stores reposent sur la subtile sélection des produits, leur mise en avant ainsi que la culture et la valeur identitaire transmises. Face à la surexposition et la surconsommation, ce ne sont pas des collections entières qui sont présentés mais des bouts de branchitude, une ambiance, un style de vie. A mi-chemin entre le bazar chic et le laboratoire de tendances, le concept store met en avant l’exclusivité du produit, transformant souvent de simples gadgets en objets de design, en actes de consommation d’avant garde. L’identité visuelle, olfactive et sonore est extrêmement travaillée de telle sorte que les clients oublient qu’ils sont là pour consommer. D’ailleurs, suivant la tendance du « food in shop« , on trouve souvent une cantine intégrée qui fidélise un noyau dur de clients et favorisent la venue de clients potentiels. 


Un concept surexploité
     Le nom est vendeur mais il ne fait pas tout. N’est pas concept store le magasin qui le veut. Le concept a tellement été repris qu’il a quelque peu perdu de sa substance. On l’utilise désormais à toutes les sauces, parfois même lorsqu’une boutique monomarque propose une vitrine ou qu’on ajoute à la déco quelques accessoires et une chaise chinée. Pour être à la hauteur, il faut faire preuve d’imagination, de créativité (surtout en période de crise).

      Lorsque les Grands Magasins ont baissé en gamme dans les années 90 (ex : création de la marque Galeries Lafayettes), ils ont adopté une nouvelle stratégie, en conceptualisant et segmentant les espaces. Ainsi, les grandes marques de luxe disposent désormais d’un étage à elles seules, et les designers contemporains leur propre espace aussi, etc. Dans une certaine mesure, Urban Outffiters se comprend comme un concept store démocratisé : un magasin cool qui vise les jeunes urbains branchés (ou métrosexuels) avec une sélection de trucs qui marchent, de marques débutantes qui montent, de livres-concepts, de disques branchés, d’accessoires….
    D’autre part, comme souvent quand le succès est au rendez-vous, il ne faut pas en être victime. On voit désormais pointer le risque que certains concept stores ressemblent à des parcs d’attraction pour city-breakers (mot absolument affreux, Ken en convient) en mal de nouveautés et d’expérience. Plus de la moitié des consommateurs qui se rendent dans un concept store seraient désormais des touristes. Coup dur pour les habitués, dopés à la rareté et à l’exclusivité. 


Flagship stores et pop up stores 
     Les concept stores pullulent dans les mégalo-métropoles. Leur développement répond à une évolution de la consommation : les points de vente doivent devenir des espaces de divertissement, proposer de l’émotion, des expériences en tant que telles. Au froid des écrans de l’e-commerce d’un coté doit-on opposer le chaud des concept stores de l’autre. Pour rompre avec l’hyperchoix et se différencier.


Autres « magasins-concept » qui répondent à la même demande et suivent la même tendance :


Flagship store : magasin porte drapeau, emblématique qui affiche les valeurs de la marque.
La concurrence oblige les marques à se rapprocher des consommateurs en définissant une mission, des valeurs, et en revendiquant leur notoriété. En cela, posséder une vitrine emblématique dans un lieu clé est devenu un must. Par exemple, le magasin Apple de la Ve Avenue à NY qui remplissait cette mission est désormais rejoint par le petit nouveau parisien du Carrousel du Louvre. Qui mieux qu’ Apple a fait de sa marque un emblème, des valeurs, une quasi liturgie ?
Pop up store : boutique éphémère, d’un jour à quelques mois, le temps de lancer un nouveau produit, une collection capsule (mini-collection hors collection en édition limitée, souvent conçu par un designer extérieur à la marque).
Avec ces boutiques à durée de vie limitée, les marques réveillent l’envie de manière décalée et suscitent la consommation. Elles peuvent dès lors entretenir un lien privilégié avec les clients, choisir l’environnement le mieux adapté pour la démarche liée au nouveau produit et raconter une histoire. Même les Grands Magasins s’y sont mis avec des espaces éphémères dédiées à des créateurs.

Pop up store de Colette et Chanel en Mars 
dans un ancien garage de la rue St Honoré, à Paris


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